Préférence nationale : le raisonnement tordu de Jordan Bardella

Publié le dimanche 19 mai 2024 à 18h49

J’ai entendu récemment, sur une radio du service public, M. Bardella expliquer que sa "préférence nationale", rebaptisée "priorité nationale", en matière de prestations sociales, droit à la santé, droit au logement etc., ne serait pas une nouveauté dans la loi française puisque, selon ses termes, elle existerait déjà pour le recrutement de fonctionnaires.
C’est faux ! Depuis le décret du 22 mars 2010, tous les citoyens européens peuvent être recrutés dans l’une ou l’autre des trois fonctions publiques (État, territoriale, hospitalière). Une exception : l’accès aux ministères dits "régaliens" (Défense, Budget, Économie et Finance, Justice, Police) où les candidatures sont examinées au cas par cas selon la nature des fonctions exercées. D’autre part, le recrutement comme contractuel est ouvert sans restriction pour les ressortissants des pays non-européens.
Ignorance ou mensonge délibéré ? A chacun de se faire une opinion.
Quoi qu’il en soit, M. Bardella mélange sciemment des notions qui n’ont aucun lien de parenté : l’accès à la Fonction Publique et les droits que le Rassemblement National voudrait réduire ou même supprimer.
Ces droits ne sont soumis à aucune condition comme le stipule la Constitution de 1958. Celle-ci pose le socle de ces droits en affirmant : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion."
Dans son préambule, elle se réfère à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et énonce des principes considérés "comme particulièrement nécessaires à notre temps". Il s’agit principalement des droits des travailleurs et des droits sociaux, mais le droit international aussi est concerné. Sont ainsi notamment mentionnés : le droit au travail et à l’emploi, le droit syndical, le droit de grève, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs, l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture, etc.
Il est donc évident que mettre en place une "préférence nationale" ou une "priorité nationale" serait contraire à la Constitution, ce que le Conseil Constitutionnel ne manquerait pas de sanctionner.
Mais de tout cela, M. Bardella n’en a cure, empressé qu’il est de faire croire aux électeurs et électrices que toutes leurs difficultés viennent de ces "largesses" dispensées sans compter par un État qui, selon lui, serait plus généreux à l’égard des étrangers qu’envers ses propres ressortissants, en omettant de signaler que ces étrangers, par leur travail et leurs cotisations sociales, contribuent pour une large part à la richesse nationale et au financement de la Sécurité Sociale.
Au passage, il convient de signaler que cette assimilation des modalités de recrutement des fonctionnaires à de la préférence nationale aurait dû susciter une mise au point du ministre de la Fonction Publique, M. Guérini.
Mais sans doute regardait-il ailleurs, plus occupé à démolir le statut qu’à le défendre ...

Maurice Desseigne